Le jeu en bref

On donne au joueur le rôle d’un nouveau genre de Darwin, un naturaliste qui s’intéresse à l’évolution de la vie artificielle. Le machine learning prend corps dans le jeu sous la forme de créatures qui doivent apprendre à survivre dans leur environnement, et le joueur dispose d’outils pour les observer. Le jeu fait office de porte d’entrée vers le monde passionnant du machine learning pour le néophyte grâce à son aspect illustratif et narratif. Il joue également un rôle de démystification en démontrant au joueur que sa présence est pertinente et nécessaire, puisque le meilleur (et le seul) moyen de connaître la manière dont le logiciel évolue est de l’observer en action.

Contexte

Le machine learning est une évolution de la programmation telle qu’on a pu la connaitre jusqu’à aujourd’hui: il consiste à faire apprendre à la machine plutôt que de prévoir les moindres cas de figure en la programmant. Cette technique se situe dans le domaine de l’intelligence artificielle. Extraordinairement souple et efficace, le machine learning a permis des bonds en avant de plusieurs années dans des domaines tels que la reconnaissance d’images complexes ou la résolution de problèmes statistiques avancés.

Démarche

Dans le domaine du jeu vidéo, il est rarissime que le gameplay soit centré sur l’intelligence artificielle, car l’on privilégie l’intelligence du joueur pour faire avancer le scénario; l’I.A. dans les jeux apparaît dans des buts précis, ce qui rend son comportement plus ou moins facile à prévoir.

Cependant les résultats obtenus par machine learning sont difficiles à prévoir à l’avance, et il est impossible, même pour le développeur qui a conçu le logiciel, de définir précisément la manière dont son propre code a abouti à un résultat.

Vivarium propose donc une utilisation inédite de la technique scientifique du machine learning dans un jeu vidéo. En tant que pionniers dans ce concept, le but d’un tel jeu est ludique et éducatif, il doit permettre au joueur lambda de comprendre et d’explorer la potentialité d’un type précis d’I.A. Il peut se positionner dans la catégorie serious-gaming.


Axes de recherche

Vivarium est un jeu de simulation de vie artificielle qui place le joueur dans le rôle d’un éthologue parti étudier des créatures dotées d’une intelligence artificielle. Cette intelligence artificielle dépasse les limites du terme à son sens employé dans le jeu vidéo. En effet, une I.A. de jeu doit animer une prise de décisions répondant à de nombreux critères: crédibilité, respect des règles internes au jeu, gestion de la difficulté vis-à-vis du joueur… De nombreuses raisons qui font que ces entités logicielles sont aisément rationalisables et prévisibles. Or les I.A. de Vivarium ne sont pas prédéfinies, elles se construisent seules petit-a-petit au fil de leur expérience. C’est ce que l’on appelle le machine learning.

Dans un esprit de vulgarisation et d’initiation au thème de l’intelligence artificielle, nous souhaitions que l’on puisse observer le programme pendant qu’il s’améliore : le machine learning pilote des créatures qui doivent parvenir à un équilibre de survie dans un petit écosystème. En effet, Vivarium invite à observer des réseaux neuronaux artificiels pendant leur phase d’apprentissage. Le réseau neuronal est le nom d’un des nombreux algorithmes que l’on peut utiliser pour élaborer un système de machine learning. Comme leur nom l’indique, leur fonctionnement est schématiquement proche d’un processus d’apprentissage biologique, d’où l’analogie avec les neurones. Au pied de la lettre, nous prolongeons l’analogie en dotant chaque créature d’un réseau de neurones individuel, leur tenant lieu de cerveau. Ainsi, leur prise de décision au départ aléatoire, se retrouve structurée et une forme d’intention va émerger, en fonction du vécu de la créature, sans que cela n’ait jamais été prévu à l’avance dans le code.

Avec le machine learning, en fonction du contexte, on peut décider de laisser l’I.A. se débrouiller seule dans son apprentissage, mais on peut aussi intervenir pour cibler ses capacités futures.

La nécessité d’éduquer le logiciel révèle une toute nouvelle relation à la machine, à travers laquelle on peut spéculer, suite à ce changement de paradigme, sur de nouveaux métiers à apparaître: «enseignant pour robot», «dresseur d’O.S.», «smartphone sitter», «psychologue pour électroménagers»… pour rester dans le thème de la frontière entre le monde biologique et le monde numérique, je me suis orientée sur un potentiel métier d’«éthologue de l’I.A.»: peut-on étudier le comportement d’une machine, à partir du moment où elle est apprenante, comme s’il s’agissait d’un animal? Tel l’être humain remis à sa place dans le monde animal par Darwin, Vivarium y ajoutera-t-il le génie logiciel, continuité de ce même être humain?

Animator

Connexions entre les animations prédéfinies dans Unity. Peut être assimilé aux «caractères innés» des créatures. L’animator est piloté par le réseau neuronal des créatures.

Réseau neuronal

Réseau de neurones artificiel (8 pour les Loupils et 11 pour les Cariboucs) permettant l’apprentissage et l’évolution comportementale des créatures. Peut être assimilé aux «caractères acquis» des créatures.


Le jeu

Rôle du joueur

Dans Vivarium, les créatures pilotées par machine learning cherchent à optimiser la durée de leur vie. Ce dispositif permet au joueur de «lire» cette évolution dans leurs déplacements, les actions qu’elles font, et d’interpréter naturellement une action comme un progrès, etc. Le joueur de Vivarium prend donc le rôle d’un nouveau genre de Darwin, un éthologue qui va étudier des créatures artificielles.

Par cette métaphore de l’éthologue incarné par le joueur, mon objectif est de permettre aux gens de s’approprier ces nouveaux systèmes de programmation et de les rendre, malgré leur complexité, accessibles et ludiques par la même occasion. De plus, un éthologue de l’I.A. n’est pas vain dans le contexte de l’étude de réseaux neuronaux : en effet, même un programmeur ne peut anticiper l’effet de son programme… La dimension ludique a donc une facette essentielle pour atteindre l’objectif serious-gaming de Vivarium, car le joueur, à son échelle et avec des outils certes détournés et simplifiés, fournit le même travail d’analyse que le spécialiste en machine learning. En d’autres termes, le joueur génère lui-même une partie du savoir que nous souhaitons partager avec lui!

En reprenant la méthodologie d’un éthologue, j’ai porté mon intérêt sur la technique de la vie artificielle. L’étude de la vie artificielle repose sur la compréhension de phénomènes observés dans la nature en les reproduisant artificiellement. Cet outil informatique, qui permet d’étudier la biologie, se voit ramené à sa propre nature numérique : nous l’empruntons pour étudier des logiciels.

Ainsi, Vivarium est une sorte d’espace de vie virtuel pour nos créatures, qui y vivent, se nourrissent, se reproduisent et meurent, mais également pour notre éthologue de l’I.A. : il s’agit du terrain sur lequel il va faire ses observations.

Les créatures

Vous êtes donc sur le terrain pour étudier une faune virtuelle dans son habitat naturel. Très vite, vous constatez que certaines capacités semblent innées (marche, mastication…) et d’autres acquises: les Loupils et les Cariboucs explorent, expérimentent et apprennent! Cependant, la génétique joue un rôle. En effet, lors d’une nouvelle génération, les réseaux neuronaux des créatures sont utilisés littéralement comme gènes: on prend la moitié des neurones de papa, la moitié de ceux de maman, on les mélange et c’est reparti pour un tour. Ainsi, certains acquis sont perpétués. Cela permet, avec une simulation relativement simple, d’émuler une forme d’éducation des petits.

Loupil
Un chacal-grenouille-hyène. Il est carnivore.

Caribouc
Un caribou-lamantin-dinosaure. Il est herbivore.

Au début de la partie, les créatures ne savent rien faire, à peu de choses près. Les Cariboucs, herbivores, devront apprendre à reconnaître et chercher la plante qui constitue leur régime alimentaire, ainsi que fuir les Loupils. Ces derniers, en bons carnivores, devront s’atteler à développer des techniques de chasse au Caribouc! Dès lors qu’on l’affuble d’yeux et de pattes, on peut instinctivement déchiffrer le progrès de l’algorithme; l’observer sous forme de créature rend le phénomène d’apprentissage tangible: on voit tout de suite lesquelles deviennent performantes et lesquelles se laissent manger ou mourir de faim!

Panoplie de l’éthologue de l’intelligence artificielle

Les outils

Quand la partie commence, on dispose d’un carnet pour prendre des notes sur les individus. L’objectif est de prendre connaissance soi-même du développement des créatures, non seulement pour créer une rencontre avec elles sans interférence, mais surtout parce que leur réseau neuronal génère leur comportement de manière procédurale, inattendue. Et chaque partie sera différente.

Comment jouer

Dans un second temps de développement, l’éthologue va s’affranchir de la distance qu’il prend normalement pour observer les créatures et va enrichir sa panoplie avec par exemple l’obtention de jumelles spéciales qui permettent de voir la simulation sous son angle technique, et d’autres outils qui lui permettront de prendre le contrôle du jeu afin de passer du stade de l’observation au stade de l’expérimentation. Ainsi, le jeu prend une tournure de jeu de simulation plus avancé, avec la possibilité de voir comment l’environnement, les besoins en nourriture et en eau, la durée des journées… agissent sur le comportement des créatures.

* La version iPad est une version de démonstration simplifiée.


Historique

Expositions et distinctions reçues

Prix d’Excellence Hans Wilsdorf – HEAD 2016 en Communication Visuelle et Media Design

28 novembre 2016

Cette dernière et prestigieuse récompense salue l’entier de mon travail et de mon parcours à la HEAD – Genève.

Gamescom – Cologne, Allemagne

17 – 19 août 2016

Exposition dans le plus grand salon européen dédié au jeu vidéo. Délégation Pro Helvetia.

Prix de l’Union des Français de l’Étranger

23 juin 2016

Cérémonie de remise des prix et diplômes, à la HEAD – Genève.

Pavillon Sicli – Genève

14 – 17 juin 2016

Jury de diplôme.
Note : 6/6.

À propos du projet

Design

graphismes, animation, game design, concept

Camille Rattoni, master Media Design
HEAD – Genève.

Développement

développement, I.A., optimisation, déploiement

Jérémy Morel, master Sciences Informatiques
Université de Genève.

Sound design

Musique, effets sonores

Vincent De-Vevey, master Media Design
HEAD – Genève

Genre

Simulation, sandbox, contemplatif, éducatif, serious gaming.

Plateforme

Windows 7, iPad 2

3 thoughts on “Vivarium – Le darwin de l’intelligence artificielle

  1. Bonjour,

    Tout d’abord bravo pour ce projet il a l’air vraiment super-sympa, graphiquement il a l’air vraiment très jolie et dans le fond l’idée d’utiliser le machine learning pour réaliser une sorte de biodiversité numérique.

    Je voulais savoir où je peux télécharger ce jeu et s’il est possible de lire votre mémoire où rapport de projet, j’aimerais beaucoup en apprendre plus sur le système neuronal et comment il fonctionne dans votre jeu.

    J’ai vu la vidéo sur Youtube qui montre l’évolution des deux êtres vivants et j’aimerais comprendre comment et pourquoi « tout d’un coup » ils arrivent à développer de nouvelles manière de chasser etc.

    Merci d’avance et encore bravo,
    Cordialement;
    Jérôme

    1. Bonjour, merci pour ce commentaire plein de curiosité! :) Pour la lecture de mon mémoire, vous le retrouverez sur cette page en fin d’article. Quant au téléchargement du jeu, il est prévu qu’il soit disponible sur sa page officielle mais il n’y a pas encore de version beta publique de disponible. Vous pouvez cependant vous inscrire à la newsletter et vous recevrez un lien pour jouer dès la sortie de la beta ouverte!

      1. Bonsoir,

        Merci beaucoup pour cette réponse rapide,

        Hate de lire tout ça et de voir votre projet évoluer :)

        Cordialement,
        Jérôme

Comments are closed.